Isabelle Frenette
Vice-présidente, Ressources humaines chez Ludia
En tête-à-tête avec Isabelle Frenette
11 juin 2020 - En tête à tête
En tête à tête avec Isabelle Frenette, une femme d’équipe inspirante disposant d’une vision stratégique affutée, aujourd’hui Vice-présidente, Ressources humaines chez Ludia, entreprise faisant partie de l’industrie du jeu vidéo, qui va heureusement bien durant cette période exceptionnelle.
1. En cette période de grand chaos, comme leader, qu’est-ce qui t’a empêchée de dormir ?
Dans le contexte où l’on est en ce moment, je dirais qu’on a la chance de figurer parmi les entreprises privilégiées et j’en suis bien reconnaissante. Nous n’avons pas eu à prendre de décisions difficiles, à faire de mises à pied, comme beaucoup d’entreprises dans la communauté des affaires. En tant que vice-présidente ressources humaines, ce qui a rapidement attiré mon attention, c’est le maintien de la forte culture de proximité chez Ludia, malgré la distance. Comment cet événement inattendu allait ou non ébranler cet esprit de communauté solide? Chez nous, le déploiement du télétravail s’est fait d’une façon extraordinaire, rapidement et efficacement. La moyenne d’âge chez Ludia est jeune et de par notre industrie, la technologie fait partie des habitudes de nos employés. L’adoption de cette distanciation s’est faite de manière très fluide malgré le fait que Ludia était une de ces entreprises qui ne valorisaient pas cette forme de travail, ayant toujours mis l’accent sur l’importance d’être ensemble et de se réunir physiquement pour échanger et avancer de manière collaborative. Notre vigilance s’est portée sur le fait de maintenir le fort sentiment d’appartenance au sein de l’entreprise et des 400 employés malgré la distance qui perdure. Disons que mon équipe et moi ainsi que tous les gestionnaires avons pris soin de s’assurer d’être présents en continuant de communiquer beaucoup et encore plus.
2. Qu’as-tu appris sur toi-même depuis que tu diriges et qui s’est réaffirmé en période de crise ?
Bien humblement, je dirais que la situation a confirmé et même renforcé ma capacité d’adaptation et de rebondir sur cet événement alors que je ne suis chez Ludia que depuis janvier. Je ne me sens pas tant ébranlée par une telle crise, je sais bien naviguer dans ce type de contexte. Je vois une opportunité de nous remettre en question et de nous améliorer dans chaque situation. Je suis à l’aise dans la gestion du changement. Tout cela m’a aussi permis de découvrir et comprendre en accéléré les valeurs de l’entreprise et de ceux qui m’entourent, la force de chaque membre de l’équipe, les valeurs du président et de mes nouveaux collègues. Loin d’être seulement quelques mots lancés sur le papier ou dans des discours d’entreprise, j’ai pu voir que les valeurs sont réellement partagées et portées par tout l’interne. La gestion de cette situation, les préoccupations principales, les décisions prises, les gestes quotidiens, les relations fortes teintées d’humanité, de bienveillance, de soutien et de reconnaissance entre chacun, tout cela a été une très belle illustration du cœur même de Ludia, de son ADN. C’est une opportunité d’affirmer ma capacité de m’adapter et ma résilience.
3. Qu’est-ce qui t’inspire et t’anime au quotidien en ce moment ?
Sans contredit, l’équipe Talent et Culture. Elles ont toutes un rôle clé à jouer et le jouent très bien, elles sont en complémentarité. Nous partageons des points communs comme la résilience, l’adaptation, ce désir de veiller à ce qu’il n’y ait pas d’incidences négatives pour Ludia et de transformer la situation en opportunité de nous améliorer. Ensemble nous réfléchissons, échangeons et développons les axes stratégiques essentiels pour répondre et même anticiper les besoins, avec toujours l’objectif d’amener les ressources humaines plus loin chez Ludia. Il y a aussi la vision de notre Président et de l’équipe de direction qui m’inspire. Comme leader RH, notre rôle n’est pas juste d’être un partenaire humain mais aussi un partenaire stratégique, de s’intéresser à l’aspect financier, au développement et au talent. En ce moment, sa vision est parfaitement en accord avec la mienne, les valeurs humaines dictent les priorités. Ce qu’il dit, il le fait. Et c’est admirable. On se dit qu’on ne peut pas avoir une meilleure opportunité de voir les vraies couleurs de l’entreprise dans cette crise, c’est un révélateur remarquable des valeurs organisationnelles. Et c’est extrêmement inspirant !
4. Face à la situation actuelle, quelle est la plus grande injustice selon toi ?
Il y en a plein dans ce contexte difficile et ce n’est pas évident de n’en cibler qu’une seule. On ne peut pas vraiment les grader, ce serait en soi trop injuste. L’injustice, c’est que d’un point de vue de société, on ait à faire des choix difficiles en ce moment. Et quand on doit faire des choix, on laisse des gens de côté naturellement. C’est le revers de la médaille des grandes décisions. En entreprise, comme leader RH, on est gardien de l’équité. Ce qui signifie qu’il ne suffit pas de donner la même chose à tous mais d’évaluer les situations diverses et de le faire équitablement. Probablement ce pourquoi je suis observatrice de cet aspect face à la situation actuelle.
5. Qui est ton héros de l’ombre dans cette crise ?
En cette période qui nous confronte tous, Ludia, comme quelques entreprises, offre un allégement des tâches des employés qui fait preuve de grande résilience. Les parents qui doivent jongler quotidiennement avec plein d’imprévus, les gens seuls aussi qui sont coupés de leur vie sociale, en fait tous ceux qui ont dû et su s’adapter, qui ont su reprendre le dessus sur ce contexte unique. Pour moi, les héros de l’ombre sont tous ceux qui tournent la situation pour en extraire le positif et inspirer les autres. J’ai un exemple en tête, un parent de deux jeunes enfants qui avec sa conjointe a choisi de passer “l’été de leur rêve” et de tout mettre en œuvre pour y arriver. Ces gens qui qui réussissent à magnifier le moment présent, à faire du mieux qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, eux m’inspirent. Réussir à se mettre dans un état de gratitude envers les moments privilégiés que la COVID permet, là sont mes héros de l’ombre. C’est contagieux et inspirant, puis ça a un impact sur le bien-être des autres!
6. Quelle est l’innovation la plus intéressante que votre organisation ait menée en cette période tumultueuse ?
Les innovations chez Ludia ont été axées sur l’humain. Nous avons rapidement agi sur la flexibilité des horaires pour les gens, en évaluant dorénavant par objectifs. Pour livrer nos projets, on compte sur la solidarité d’équipe, le collectif et la force du groupe versus l’apport individuel des employés. Nous avons aussi fait un virage au niveau des communications aux employés, au-delà du virage de logistique du télétravail. Le statu quo n’a jamais été une option pour nous. L’équipe et moi-même avons multiplié les occasions de contacts avec les employés en créant des rendez-vous, des plateformes d’échange aussi corporatives que ludiques: le LudiaHome (notre infolettre interne), des quiz avec le président, nos 5@7 virtuels, des sessions de gym en ligne, cours de cuisine, etc. Les employés nous disent qu’ils ont encore l’impression de véritablement faire partie d’une organisation et n’ont pas le sentiment d’avoir uniquement à livrer des résultats comme des pigistes chacun chez soi.
7. En terminant, la question qui tue, si tu étais François Legault, à partir d’ici, comment tu écrirais la suite ?
C’est très complexe comme question ! Chacun son métier comme on dit ! D’un regard RH, dans notre micro-société de 400 personnes chez Ludia, il y a plusieurs parallèles à faire avec les actions de nos dirigeants. De notre côté, nous avons souhaité minimiser l’impact de la situation et saisir des opportunités de s’améliorer. Je pense et espère que c’est ce que nous réussissons à faire à force d’attention et de travail acharné et je pense que c’est aussi ce que nos instances font depuis le début de la crise. Rien n’est acquis pour personne dans ce contexte, nous sommes tous en apprentissages constant et réagissons au mieux de nos capacités. Sans outrepasser mon domaine de compétences et d’actions, face à cette situation je veillerais donc à minimiser les impacts, à prendre du recul, à se remettre en question, à faire autrement, à maximiser les opportunités, à faire du mieux qu’on peut avec ce qu’on sait et à demeurer très présente, honnête et transparente auprès de la population tout comme on le fait pour nos employés. L’idée est de continuer d’avancer ensemble dans une situation inconnue.