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Guillaume Bouchard
Président Directeur Général de CONTXTFUL

En tête-à-tête avec Guillaume Bouchard

23 avril 2020 - En tête à tête

En tête à tête avec Guillaume Bouchard, entrepreneur en série, en confinement dans les Laurentides, d’où il gère son entreprise CONTXTFUL et l’Escouade Numérique, une plateforme d’entraide spécialement créée pour supporter la communauté des entrepreneurs durant cette période exceptionnelle.

1. En cette période de grande crise, comme entrepreneur, qu’est-ce qui t’a empêché de dormir?

J’avoue que ce que je trouve le plus difficile, c’est le lot de responsabilités que je me suis affligé. J’ai vite réalisé à quel point j’étais une personne centrale et névralgique à plusieurs niveaux. Je dis ça en mettant l’égo de côté, bien sûr. Je me suis senti investi de grandes responsabilités, dont le salaire d’une quinzaine d’employés, et donc d’une quinzaine de familles. Comme aîné de famille, je suis aussi responsable du bien-être de mes parents, de mes beaux-parents, de ma propre famille. Au début de la crise, je voyais l’ampleur de ce qui arrivait puis j’ai vite réalisé que trop de gens autour de moi continuaient de vivre leur train-train quotidien sans se préoccuper de la situation. Moi, ma job dans la vie, c’est d’être visionnaire alors j’ai vite compris ce qui allait se passer dans les deux prochains mois… je les sentais déconnectés et je me devais de les supporter et de leur donner l’heure juste, de veiller sur eux. Disons que ça m’a pris 2 à 3 semaines d’ajustements mais c’était naturel, une vraie responsabilité d’entrepreneur.

2. Comme leader, en période de crise, quel trait de ta personnalité s’accentue?

Je dirais que je m’en suis mis très large sur les épaules. Même si c’est une habitude pour moi, ça s’est accentué. Aussi, passer des heures sur vidéoconférence, pour une personne avec un TDAH, disons que c’est difficile de rester concentré! C’est mon grand défi personnel. Je me suis mis des limites, sinon ma patience est exacerbée. Je dois me préserver parce que ça me demande énormément de concentration et ça me prend le double d’énergie, de soutenir mon attention dans ce contexte. Disons que ça me tente moins après une journée de 10 heures en vidéoconférence de faire un 5 à 7 virtuel avec des amis, je suis moins dedans! Le contact humain me manque.

3. Qu’est-ce qui t’inspire et t’anime au quotidien en ce moment?

C’est mon sentiment d’appartenance au « Québec Inc. ». Ça a toujours été important pour moi. J’aime beaucoup notre culture entrepreneuriale, que je qualifie d’originale… elle n’est pas parfaite mais l’entrepreneuriat québécois m’inspire. En créant l’Escouade numérique, c’était pour moi une façon de redonner à cette communauté, surtout pour que tous aient accès aux mêmes ressources, aux mêmes chances. C’était naturel de créer un groupe d’experts qui allaient s’entraider, même si le temps était rare pour chacun d’eux, pour que le noyau de PME québécoises reste solide à travers de la crise. Il y a déjà des milliers d’entreprises qui n’auront pas la capacité de reprendre après la crise et on s’est dit que si on avait les moyens d’en sauver quelques-unes ou d’avoir un impact aussi petit soit-il, qu’il fallait le faire. Ce sentiment de nationalisme qui nait durant les dernières semaines est fort intéressant à observer. Ensemble, on est capable de faire de bien grandes choses et de bien travailler, solidairement.

4. Face à la situation actuelle, avec tes lunettes d’entrepreneur, quelle est la plus grande injustice selon toi?

Je dirais que ce sont les programmes gouvernementaux. Pour les entreprises de demain, c’est-à-dire, les PME en bas de 99 personnes, les startups et les organisations qui n’ont pas un modèle d’affaires hautement établi, ils ne sont pas adaptés et réfléchis. En ce moment, plutôt que d’alléger le stress des entrepreneurs et de leur permettre de diriger leurs efforts au bon endroit, ils les poussent à s’embourber dans les formulaires justificatifs et la paperasse. Elle est là l’injustice. On aurait dû appliquer la même recette à toutes les entreprises pour éviter tout ce travail. Moins tu as de moyens, moins tu as de cashflow, moins tu as de réserves, plus tu es prometteur et plus tu es dans l’eau chaude. J’ai l’impression qu’en ce moment, c’est comme si on tue les semis qui sont en train de germer. Dans un futur proche, il va y avoir un trou dans la forêt des entreprises en devenir.

5. Qui est ton héros de l’ombre dans cette crise?

En fait, je n’ai pas une personne en particulier mais je pense spontanément aux gens qui n’ont pas cherché à profiter de cette crise et qui ont choisi de s’assurer que les choses ne cassent pas. Ça peut être des entrepreneurs qui ont décidé de prendre une partie de leurs profits des dernières années pour continuer de payer leurs employés, ça peut être des gens qui donnent des heures dans leur expertise pour la survie des entreprises. En fait, ces gens-là font ça, non pas pour avoir leur nom dans les grands titres, mais pour que rien ne brise, pour le maintien de l’économie, pour les humains derrière les entreprises. Et mon vote va vers eux, c’est noble et ils ne s’achètent pas de capital de sympathie. C’est aussi ce qu’on cherche à faire avec l’Escouade numérique. On ne cherche pas la lumière, on préfère que les gens viennent vers nous. Pour joindre cette initiative, avant tout, vous devez avoir un désir profond d’aider les entreprises pendant le COVID. Ça ne doit pas marketer vos services, ça doit être un plan actionnable en quelques heures pour une entreprise, et/ou ça doit faire évoluer la pensée d’un entrepreneur pour qu’il prenne une nouvelle tangente. Il n’y a pas un modèle d’affaires derrière l’initiative, c’est par les PME pour les PME.

6. Quelle est l’innovation la plus intéressante que votre organisation ait menée en cette période tumultueuse?

En fait, je mène deux projets de front et j’ai deux concepts que j’ai mis en place, que je pourrais vous partager. Pour l’Escouade numérique, le concept d’open for business est sûrement un état d’esprit que je souhaite à tous les entrepreneurs. Certains ont géré la situation de crise en se disant business as usual, d’autres ont mis leur entreprise en veille en attendant le retour, puis d’autres se sont complétement transformés. Moi, je dis aux entrepreneurs qui ont figé devant l’ampleur de la crise qu’il faut rester ouvert et alerte aux différentes opportunités d’affaires, d’écouter sa petite voix intérieure et ne pas être en mode arrêt. Avec ma propre entreprise CONTXTFUL j’ai pris le temps de faire un exercice de réflexion, une formation en équipe pour que chacun prenne conscience de sa valeur ajoutée en lien avec le client. J’avais peur que les départements se déconnectent avec le télétravail et la distance sociale, je voulais remédier le plus possible à ça. On a accentué nos rencontres d’équipe pour créer ce sentiment d’appartenance, on se forme et on échange nos expertises pendant qu’on est confinés. Ces ponts-là entre nous vont juste être encore plus forts quand on va revenir tous ensembles.

7. Pour ton organisation, l’économie au sens plus large, comment entrevoies-tu l’avenir à court terme?

En fait, je me base sur une théorie qui date des prisonniers de guerre et le message central était qu’il ne faut pas se fixer de dates puisque ça créé des attentes, donc des déceptions. Il faut y aller au quotidien, être reconnaissant de ce qui a été accompli pendant la journée. C’est un retour aux sources pour beaucoup d’entreprises, pour beaucoup de gens, mais je pense qu’il faut aller vers cette logique. Il ne faut pas attendre le retour à la normale pour vivre pleinement. Il faut donner son 110% à chaque jour. Au fur et à mesure qu’une liberté reviendra, il faudra la célébrer comme une victoire qui arrive comme par surprise et non comme un dû. C’est probablement le message que la planète nous envoie. J’ai lu un article intéressant qui invite à être sur nos gardes comme consommateurs puisque les grandes marques vont tenter de nous endormir avec leurs salades pour nous ramener dans notre vie d’avant. Un article à lire sur le gaslighting : croyons en notre intelligence et ne soyons pas dupés.

8. En terminant, la question qui tue, si tu étais François Legault, à partir d’ici, comment tu écrirais la suite?

Je sens que les québécois sont prêts pour un outil de communication clair pour énoncer des mesures de réinsertions sociales qui vont au-delà du point de presse quotidien. C’est certain que ce qu’ils font en ce moment c’est intéressant, mais je crois que nous somme mûrs pour avoir un plan d’actions concret, un hub des décisions prises pour la reprise. J’imagine ça sous forme d’un site web, une plateforme qui permettrait de recueillir les idées de la population sans les multiples échanges de Facebook par exemple. Le gouvernement pourrait s’en servir et prendre le pouls de ce qui se passe vraiment. Un site web bien simple, divisé par industries, exposant les nouvelles mesures. En ce moment, on tourne en rond. Je regarderais vers l’avant en me détachant un peu du présent, sans pour autant le délaisser. Il est temps qu’on « restreamline » vers un retour et qu’on le fasse intelligemment.

 

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