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Jean-Michel Maltais
Vice-président sénior, Omni-Channel avec le Groupe Vision New Look

En tête-à-tête avec Jean-Michel Maltais

19 avril 2022 - En tête à tête

En tête-à-tête avec Jean-Michel Maltais, Vice-président sénior, Omni-Channel avec le Groupe Vision New Look. On y discute avec générosité de l’importance de savoir garder le cap, de voir grand et d’être constamment en action, d’une motivation liée à un impact positif sur plus grand que soi et du pouvoir du groupe.

1- Depuis que tu gères, qu’as-tu le plus appris sur toi-même ?

J’ai beaucoup appris sur moi-même en fait, lorsque tu gères des équipes, tu es toujours un peu confronté à toi-même en permanence.

D’abord, je dirais que même si intérieurement, je ne suis pas toujours ultra calme, je suis perçu comme étant quelqu’un de calme. Je dirais même que j’ai un effet calmant. Je suis aussi quelqu’un de positif et transparent. J’ai appris cela sur moi-même au fil des années parce que, comme je le dis à l’intérieur, ça bouillonne, alors que de l’extérieur, ce n’est pas ce que je transmets.

J’ai aussi appris beaucoup sur l’impact que je peux avoir en tant que gestionnaire et d’être sensible à cette trace. En fait, j’ai souvent l’impression que mes paroles « collent ». Je rencontre des gens qui ont travaillé avec moi dans le passé, qui se souviennent encore de ce que je leur ai dit alors que je n’en ai plus aucun souvenir. C’est dans ces moments que tu te rends compte que tu marques les gens pour longtemps, quand tu es un boss (!).

Bien sûr, dans le feu de l’action, je peux perdre mon calme pendant quelques minutes, mais en réagissant trop impulsivement, les dommages que ça crée peuvent avoir une grande portée à long terme. De là l’importance de reconnaître mes émotions à un moment précis. Si je me sens énervé par une situation, je me suis donné comme règle d’attendre 24h avant d’agir. C’est une règle que j’ai mise en place après avoir commis quelques erreurs. La sagesse qu’ils disent! Maintenant, ça m’arrive rarement de perdre mon calme, pratiquement jamais en fait. Aujourd’hui, quand il y a un projet qui est en retard ou quand il y a des choses qui ne roulent pas à mon goût, ce sont des situations dans lesquelles on voudrait agir tout de suite, et voilà que je sors ma règle de 24 heures. Si le lendemain je me sens encore de la même façon, je m’attarde sur la situation. Cela permet d’avoir une approche qui est adaptée afin d’éviter de laisser une impression négative sur les gens et d’arriver à rectifier le tir.

2- Qu’est-ce qui t’inspire ? Qu’est-ce qui te motive à sortir du lit le matin ? Qu’est-ce qui te motive à t’engager autant dans ton travail ?

J’ai toujours été motivé par l’impact que je peux avoir sur les gens, mais aussi par le fait de les aider à accomplir des choses qu’ils croyaient impossibles. Maintenant, je suis aussi motivé par l’impact que j’ai sur la société de manière plus générale, puis sur notre industrie également. Chaque jour, avec Groupe Vision New Look, nous réalisons plus de 3000 examens de la vue à travers le Canada et les États-Unis. À chaque examen de la vue positif, c’est une vie qui change et une personne qui voit mieux.

Puis, quand j’ai travaillé chez Pearson, qui est le plus gros éditeur de livres d’école au monde, je me suis rendu compte à quel point, quand tu es en marketing, ça fait toute une différence de vendre un produit qui aide plutôt que de vendre un produit qui n’a pas d’impact social. D’un point de vue plus macro, c’est la possibilité d’aider l’industrie à se transformer en une industrie qui est au service des gens qui me motive.

Au jour le jour, c’est aussi d’avoir un impact direct sur la fierté de nos employés envers leur travail.

3- Les deux dernières années ont été quand même assez complexes pour mener une transformation. Qu’est-ce que vous avez fait chez New Look qui te rend particulièrement fier au cours de cette période ? Comment avez-vous innové ?

On a réalisé plusieurs initiatives, mais ce qui ressort du lot, c’est vraiment notre service permettant de livrer des lunettes achetées en ligne qui sont d’aussi bonne qualité que ce qui est disponible en boutique.

Pour donner un peu de contexte, les lunettes vendues en ligne existent depuis plusieurs années. Elles sont vendues à très bon prix mais il y a un problème de qualité : il faut pouvoir prendre des mesures extrêmement précises tant pour le verre que la monture. Si la lunette est inconfortable, elle ne sera pas portée et là, ma mission d’aider les gens ne sera pas atteinte.

Ce projet était dans les cartons, mais la pandémie nous a poussés au dépassement pour accélérer le développement de cette technologie. Avec les investissements que nous avons faits, nous avons réussi à créer un outil qui prend des mesures ultra précises à distance, à travers le Face ID des iPhone dernier cri et des iPad Pro. Ensuite, avec ce scan ultra détaillé qui prend 30 000 points du visage, on est capable de prendre toutes les mesures nécessaires à moins d’un millimètre de précision pour être capable de concevoir une lunette parfaite. Nous pouvons positionner le verre et le point focal exactement au bon endroit. On imprime un gabarit que les opticiens utilisent pour faire les ajustements adaptés à ton visage, puis à la forme de ton visage pour que lorsque tu reçois ta lunette à la maison, elle soit adaptée et confortable. C’est complètement révolutionnaire dans l’industrie, plus besoin de se présenter en point de service. En fait, on est les premiers au monde à être capable de faire ça. Il faut maintenant avoir la confiance de la clientèle pour faire adopter ce service en ligne de haute qualité. On a donc ce défi à surmonter, mais en équipe, on va y arriver !

4- Dans ta carrière, qu’est-ce qui t’a préparé pour ton rôle actuel de leadership stratégique ? En étant à la tête d’une transformation d’affaires importante dans une industrie mature, qu’est-ce qui te prédisposait ou préparait à ce rôle ?

Je dirais en fait que toutes mes expériences ont contribué, c’est une progression avec des expériences quand même très variées. Souvent les gestionnaires, quand ils regardent un CV d’une personne qui change de poste aux deux ou trois ans, ils n’aiment pas trop. Moi, j’ai passé les dix dernières années de ma carrière à faire exactement ça. J’ai été cinq ans chez Téléglobe, six ans chez O2, mais c’est vrai qu’après, j’ai changé d’industrie sur une base régulière.

Ça m’a appris à m’adapter beaucoup plus vite : quand tu changes d’organisation et d’industrie, il faut apprendre vite à « avaler des bouillons ». Ça me donne beaucoup de points de référence qui me permettent de prendre les bonnes décisions.

Un autre point important à mentionner, c’est que d’avoir travaillé autant pour des grandes et des petites entreprises, c’est ce qui m’aide le plus parce que les grandes entreprises t’apprennent vraiment à développer une pensée stratégique, à développer ton leadership d’inspiration, à développer des communications, mais les petites entreprises t’apprennent à te rouler les manches et à faire avancer les choses, à galvaniser puis à utiliser ton énergie pour faire avancer les projets. Puis, quand je recrute des candidats, c’est quelque chose que j’aime voir, que je cherche dans leur parcours.

5- Comment continues-tu à grandir et à te développer comme leader ?

La pandémie, ça a été plutôt handicapant sur cet aspect, mais avant j’ai toujours été quelqu’un qui aime rencontrer les gens, qui aime cultiver son réseau. Chose certaine, je continue de lire beaucoup sur le leadership. J’aime beaucoup les biographies des leaders inspirants. J’observe aussi beaucoup mon CEO, qui est quand même une personne assez incroyable : j’apprends beaucoup avec des gens comme lui.

Sinon, j’ai redécouvert mon beau-frère sous une autre facette, un gars qui s’appelle Olivier Mathiot, qui a créé un podcast avec un autre entrepreneur. Ils sont en fait assez connus en France. Le podcast s’appelle 40 nuances de Next et ils rencontrent la prochaine génération de CEO. Je l’écoute en faisant mon jogging. On y apprend beaucoup de l’expérience de ces gens-là, parce qu’ils sont capables de partir de rien et de créer des entreprises incroyables.

6- Quels conseils donnerais-tu aux gestionnaires pour leader avec impact ?

En fait, je trouve cette question vraiment intéressante parce que ça m’a beaucoup fait réfléchir. Il faut quand même être à la fois impatient et patient. Il faut vraiment viser loin, puis voir grand, puis vouloir y arriver rapidement. Mais en même temps, avec tout ce désir d’aller plus loin, plus vite, il faut doser ça avec beaucoup de patience, car on n’y arrivera jamais sans les autres.

Le fameux adage : « seul, on va vite, mais ensemble, on va loin », ça s’applique vraiment à ce qu’on fait parce que toi, tu peux savoir où tu veux aller, tu peux vouloir y arriver vite, mais ça ne veut pas dire que tout le monde à la même vision et que tout le monde peut y arriver aussi vite. C’est là où, en fait, il faut vraiment communiquer beaucoup. Puis, il faut trouver le bon équilibre entre pousser, pousser, pousser, puis parfois arrêter de pousser et prendre le temps d’amener les gens avec soi.

On parlait de ce qui me motive quand je me lève le matin. Si quelqu’un vient me voir et me dit « je ne pensais jamais qu’on y arriverait », pour moi, c’est la plus grande satisfaction. Je comprends que j’ai aidé quelqu’un à aller plus loin qu’il pensait pouvoir aller. Si j’arrive à faire ça, c’est que je fais bien ma job. Sinon, tu fais juste pousser dans le dos du monde et ils ne comprendront jamais ce que tu essaies de faire. Il faut vraiment prendre le temps.

7- Qu’est-ce que tu souhaites léguer dans ton rôle de SVP en ce moment chez New Look ?

Quand je me suis joint à l’entreprise, en 2019, c’était une entreprise traditionnelle. Il n’y a pas plus traditionnelle que les lunetteries. Ce sont des artisans, c’est réglementé, c’est de la médecine, etc. C’est très traditionnel, mais c’est une industrie qu’on voyait en dehors du groupe qui commençait à se numériser, puis à se transformer. On est en plein dans cette vague-là. Ce que je souhaite, c’est vraiment que le groupe Vision New Look devienne une force numérique dans l’industrie, en Amérique du Nord au début, puis dans le monde. C’est ce qu’on essaie de faire.

Un des candidats que j’ai rencontré pour une entrevue disait qu’on devrait partager nos innovations technologiques, développer un service qu’on pourrait peut-être vendre à d’autres lunetteries qui ne sont pas nécessairement encore dans le numérique pour les aider à s’y lancer. Ça m’a fait réfléchir que quelqu’un de l’externe nous perçoit comme étant en position de faire ça. Parce qu’il y a trois ans, jamais quelqu’un n’aurait dit ça de New Look. Maintenant, ils voient les innovations qu’on a et le monde nous voit de plus en plus comme un leader dans le numérique.

C’est une belle fierté et le début de quelque chose de grand. Il y a encore beaucoup à accomplir et c’est vraiment ce que je souhaite léguer. Regarder en arrière et être capable d’affirmer que quand je me suis joint au groupe, c’était traditionnel, puis qu’aujourd’hui, c’est une entreprise complètement numérisée et à l’avant-garde.

8- Qui est ton héros ou héroïne de l’ombre ?

Cette question m’a fait réfléchir et tu vas vraiment être étonné de la réponse, mais j’ai choisi : mon père.

C’est quand même quelqu’un d’assez assez impressionnant parce qu’il a 84 ans aujourd’hui et il travaille encore. Il a eu 18 entreprises dans sa vie. Il a une énergie et une motivation sans limites, une curiosité qui est complètement débordante.

Un truc qui marque beaucoup au Québec, c’est qu’on entend souvent les gens parler de leur retraite. À 55 ans, c’est vraiment leur rêve de se retirer de la vie active. Moi, je crois beaucoup à la vie active et je pense que le travail, c’est la santé. C’est un peu vieux jeu de le dire, mais je pense un peu comme ça. Chaque jour, lors duquel je peux avoir un impact sur la société en étant in the game, est très gratifiant.

Mon père est un peu comme ça, en fait, il n’a jamais arrêté d’essayer de travailler pour changer les choses. Il est en santé à 84 ans, il pète le feu encore. C’est assez impressionnant, mon vrai héros de l’ombre. C’est ce quelque chose qui m’inspire, c’est de regarder ça et de me dire que je peux aussi continuer pendant longtemps.

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